-
Partager cette page
Axes du programme 2020-2024
En cohérence avec le projet scientifique, trois axes ont été mis en place pour le programme quinquennal 2020-2024 : l’Axe I dirigé par Olivier Guerrier intitulé «Échanges linguistiques», l’Axe II dirigé par Michel Lehmann intitulé «La scène italienne sur les planches françaises : mobilité et pratique d’une italianità» et l’Axe III dirigé par Jean-Luc Nardone sur les «Pratiques et enjeux de la traduction entre France et Italie».
► Axe I : Échanges linguistiques
Titulaires : O. Guerrier, Y. Lepestipon, F. Nepote, D. Fratani, A. Villa, J-L Nardone.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : F. Libral, S. Biedma, C. Sebastien, B. Basset, C. Cicovic, S. Desmoulins, D. Foucault, A. Lionetto (Paris IV), V. Giacomotto (Bordeaux Montaigne), L. Gerbier (CESR Tours), T. Paparella, M. Boulet, V. Cimmieri, D. Montoliu, S. Salviati, F. Coletti, F. Iovine.
Durant le précédent quinquennal, dans l’Axe II «France/Italie Renaissance-Âge classique», l’accent a été mis sur des contenus culturels ou disciplinaires («civilité», «savoirs»), pour en étudier les inscriptions dans les textes en fonction de la circulation de ces derniers.
De 2020 à 2024, dans l’Axe I « France/Italie : XV-XVII siècles » désormais, à partir du chapeau d’ensemble «Échanges linguistiques», on prendra appui sur des modalités plus formelles, pour examiner les enjeux associés à celles-ci lors du passage d’un pays à un autre.
On commencera par prendre les langues comme objets, via la réflexion présente dans les textes, ou dans des pratiques révélant l’empreinte de celle-ci. Sous le titre «Les rencontres des langues» (référence aux Rencontres des Muses de Jean Balsamo (1998), lui-même ayant repris le titre de son étude à celui du recueil de Philippe Desportes de 1604, qui propose des sonnets italiens de divers auteurs, préalablement traduits en français par le poète lui-même), on sera attentif aux effets de proximité (comme par exemple dans La Concorde des deux langages de Jean Lemaire de Belges, 1511) ou de distance (comme dans la Precellence du language françois d’H. Estienne, 1579) qui s’établissent entre le français et l’italien, lorsqu’ils sont tous deux en jeu au sein d’un même ouvrage ou d’un même corpus.
On pourra alors envisager, en les modulant selon les périodes :
– des questions lexicales à strictement parler : enjeux des emprunts à divers domaines de savoir, par une langue à une autre (par exemple, le vocabulaire militaire ou équestre, de l’italien au français ; celui de la cuisine ou de la mode, dans l’autre sens) ;
– des questions «ontologiques» ou philosophiques : les langues vernaculaires perçues comme langues de l’«expérience» et de la science (pour la philosophie naturelle ou plus généralement l’innovation scientifique) ;
– des questions historiques et sociologiques : l’italien langue du «pouvoir» ; le débat sur le français, lingua Celta, plus proche de la nature, etc. ;
– des questions de poétique et de stylistique : le «vulgaire illustre» de Rabelais et l’influence de Dante – dont diverses manifestations célèbreront les 700 ans de la mort en 2021 – du De Vulgari Eloquentia ; la réception du concettisme et le style italien «fleuri»…).
Si bien entendu on appréciera qu’on privilégie les textes «littéraires», on n’exclura ni les paratextes ni les traductions à proprement parler, comme outils ou vecteurs possibles d’une analyse des usages et des représentations contrastés des deux idiomes, ce en corrélation avec les travaux de l’axe III.
Par ailleurs, l’Axe I sera partenaire du projet «Encyclopédie Numérique de la danse à la Renaissance en Europe (XV-XVI Siècles», déposé auprès du Labex OBVIL de Sorbonne Université, et porté par Adeline Lionetto (Sorbonne Université) et Concetta Cavallini (Università Aldo Moro di Bari). Une Journée d’étude est prévue dans ce cadre à Toulouse à l’horizon 2021-2022.
Enfin, les travaux de l’Axe I feront une place à Bibliotheca tholosana (http:///www.bibliotheca-tholosana.fr). Fondé en 2005, Bibliotheca tholosana est un site d’édition en ligne de textes en latin, français et occitan, composés par des Toulousains entre le XVI et le XVIII siècles, ainsi que d’un Dictionnaire des réseaux culturels toulousains XVI-XVIII siècles), doté d’une direction scientifique et d’un comité de lecture.
À partir de 2020-2021, le site s’ouvrira aux textes italiens ou d’Italiens, en relation avec la région toulousaine sur la première modernité, que ce soit dans le cadre de l’édition de textes ou dans la constitution du dictionnaire.
► Axe II : La scène italienne sur les planches françaises
Mobilité et pratique d’une italianità
Titulaires : M. Lehmann, A. Capra, C. Berger, J. Nimis.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : A. Federici, Y. Mahe, F. C. Guglielmino, S. Resche, V. Corrent, M. Tachon, M.-P. Dasque, Ch. Magron.
L’empan historique (XVII siècle-XXI siècle) permet une mise en perspective d’une circulation culturelle et artistique entre deux nations, de l’Italie vers la France. Il s’agit de dessiner les variations au fil du temps de la dynamique de la mobilité des corpus, plus particulièrement dans le champ des arts de la scène (théâtre, opéra, etc.), sur un panorama historique d’envergure. Il s’agit aussi de repérer des constantes, des points communs, la question des clichés identitaires (l’italianità) n’étant pas loin. Les causes et les intentions qui suscitent la mobilité d’un corpus tiennent-elles à des qualités particulières, des compatibilités prérequises, des innovations surprenantes ou la singularité du génie italien ?
L’équipe de chercheurs titulaires réunie autour de ce programme est complémentaire (études théâtrales XVII et XVIII siècles, musicologie XIX siècle, arts de la scène XX et XXI siècles). Elle devrait pouvoir répondre à des objets d’études qui, même si de natures diverses, sont tous liés aux expressions artistiques de l’univers de la scène italienne. Le foisonnement interne de ce monde de la scène globalement cohérent sera pris en diachronie et permettra à chaque chercheur de renouveler son point d’ancrage scientifique personnel : chaque point focal pourra être ainsi relié à son amont et son aval historiques.
La mobilité des corpus, de l’Italie vers la France, comprendra :
– des textes dramatiques et des paratextes (éditions, partitions, manuscrits et copies, livrets, traductions, adaptations, répertoire) ;
– des auteurs, des compositeurs ;
– des metteurs en scène, des décorateurs, des comédiens, des interprètes et des troupes ;
La durée du contrat permettra une progression méthodologique en trois étapes.
Mobilité des corpus
Faire un état des lieux des mobilités des corpus, en favorisant l’étude des mobilités abouties. Par exemple, on observera la présence des corpus d’origine italienne sur le territoire francophone. Il s’agit de mesurer leur accueil et la force de leur présence, certains corpus pouvant avoir eu moins d’impact que d’autres sur le sol français. Cette mobilité peut-elle être décrite par des notions comme interaction, provocation, invasion ou attente satisfaite, idéal réalisé, etc. ? Sur la période XVII et XVIII qui concerne l’apogée du théâtre des comédiens professionnels italiens, cette mobilité peut se manifester en amont par la circulation transalpine quasi immédiate de textes emblématiques de la commedia dell’arte, tels que Les bravacheries du Capitaine Spavente (trad. J. De Fonteny, 1608) issues des Bravure del Capitan Spavento (Flaminio Scala, 1607) ; et d’autre part en aval et sous forme d’interaction, par l’exode parisien du dramaturge Carlo Goldoni (1762-1793) qui écrit en français, pour les comédiens italiens... des textes qui repartent ensuite à Venise dans leur version italienne. Pour le XIX siècle et l’opéra italien, avec à Paris l’aventure mouvementée du Théâtre des Italiens amplement documentée par les travaux récents d’Alessandro di Profio (2003) et Jean Mongrédien (2008), il sera plus opportun de dresser un état qualitatif de la présence italienne à Paris. Le corpus sera moins appréhendé en termes d’éléments de corpus que force d’impact sur la réception parisienne (par exemple, un opéra italien est-il mieux considéré à l’Académie impériale, au Théâtre Lyrique ou au Théâtre des Italiens ?). Le critère de l’œuvre italienne créée sur le sol italien, puis exportée en France en l’état ou après révision, confronté à celui de l’œuvre originale, issue d’une commande d’un théâtre parisien à un compositeur italien pourrait conduire à une analyse plus qualitative du corpus par le biais de l’esthétique musicale et de la dramaturgie. Pour la période contemporaine, il s’agira de mener un travail sur le terrain – dans les théâtres, les instituts culturels, les maisons d’éditions – afin de faire un état des lieux de la mobilité du théâtre italien d’aujourd’hui ; des initiatives telles que le programme Face à face, ou les comités de lecture et de traduction des pièces contemporaines, tels que l’institutionnelle Maison Antoine Vitez (MAV) et le plus récent Eurodram, ou encore des projets de recherche sur la présence dramatique italienne dans l’espace francophone seront des points de départ précieux pour tenter de comprendre quels sont les raisons et les enjeux de l’accueil et du succès d'autrices et auteurs ou de certains textes, par rapport à d’autres qui n’auraient pas les éléments requis pour passer les frontières.
Pratique des corpus
L’ambition innovante de ce programme de recherche est d’aborder cette question sous l’angle de l’application pratique de la mobilité, profitant par là des compétences scientifiques des chercheurs membres de l’équipe. En effet, cette approche est de type pragmatique. Entre l’intention des artistes, la volonté des commanditaires (impresarii, directeurs, mécènes, dédicataires, etc.) et la réalisation de l’œuvre scénique, existe de toute évidence un panel de réussites, de compromis et de repentirs. La mobilité étant ainsi un transfert d’un territoire vers un autre, le corpus pourrait au cours de cette opération subir une transformation, qui dépasse la seule traduction linguistique. Ces transformations modifient-elles en profondeur la nature des corpus incriminés ? Quels en sont les vecteurs : interprétation, utilisation, exploitation (aussi bien artistiques, idéologiques que politiques) ? Le théâtre professionnel italien des XVII et XVIII siècles produit, à cet égard, un corpus de textes qui portent les stigmates d’une mobilité inhérente au genre.
Ainsi, en ce qui concerne la production de l’itinérance, les Compositions de rhétoriques (1601) de l’Arlecchino Tristano Martinelli sont conditionnées à la fois par la nature de leurs insignes dédicataires (volume unique dédié à Marie de Médicis et Henri IV), son lieu et contexte d’édition (Lyon), une intention publicitaire et une langue ni italienne ni français. Un étrange volume «frontière», en somme : ni totalement italien, ni totalement français.
Sur le même mode de cet entre-deux, la question déjà largement étudiée des opéras français de Donizetti et de Verdi pourrait profiter d’un nouvel angle d’exploration. Le ressentiment de Verdi à l’égard des méthodes françaises (la «grande boutique» de l’Académie Impériale) a été amplement monté en épingle par la recherche, au point de perdre de vue qu’il pouvait y avoir bien plus qu’une recherche de notoriété de la part de Verdi en acceptant de telles commandes. Repenser les opéras commandés par Paris à Rossini, Donizetti et Verdi comme des opportunités de nouvelles expérimentations pour des artistes italiens à travers des collaborations, avec des savoir-faire français, pourrait bien renverser la perspective plutôt négative laissée tout particulièrement par Verdi.
La pratique du théâtre contemporain italien en France passe par deux modalités différentes : par la représentation en langue originale, confiée le plus souvent à la compagnie de l’auteur ou à des artistes italiens accueillis en résidence et en tournée, ou bien par l’intermédiaire de la traduction des textes – qui seront ainsi proposés à des artistes francophones désireux de se confronter avec un théâtre transfrontalier… Il sera intéressant d’étudier quelles sont les influences de ces deux canaux de transmission sur la modifications des textes et le jeu de la scène. Autrement dit, quelles sont les adaptations (autres que linguistiques) auxquelles on serait tenté de soumettre l’œuvre d’origine pour une meilleure réception sur le sol francophone ? Le théâtre contemporain qui est très fortement liés aux événements politiques et sociaux de la Péninsule trouvera-t-il une écoute juste, une fois présenté à l’étranger ou encore traduit dans un autre contexte social ?
Potentialité de mobilité des corpus
Peut-on parler d’une potentialité de cette mobilité de corpus ? Sont-ils organisés, constitués, sélectionnés ou créés en fonction de certaines qualités qui garantiraient leur mobilité ? Quel horizon d’attente est en jeu ? Est-il celui d’une culture italienne qui s’estime exploitable en France ou est-il entièrement ou partiellement repensé par les auteurs et les artistes comme s’il s’agissait de répondre à l’horizon d’attente de « l’Autre » ?
Après avoir consacré un temps d’étude nécessaire aux deux premiers points de ce projet décrits ci-dessus, un travail de définition, de description et d’analyse des horizons d’attente viendra clore un programme de recherche quinquennal. Issus d’une population très précocement mobile vers la France (de 1570 à 1793) le corpus des textes du théâtre professionnel italien, à son apogée aux XVII et XVIII siècles, apparaît comme un patrimoine culturel qui est par essence en migration perpétuelle.
Pour autant, de la circulation des corpus éphémères dell’arte – non soumis à l’édition – entre XVI et XVII siècles, en passant par l’édition de corpus italiens sur le sol français par des comédiens professionnels non dramaturges (XVII), jusqu’à la production goldonienne parisienne dès 1762, le potentiel de mobilité de ces corpus vers la France est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Est-il accru par le souci de notoriété, de légitimité, par la revendication de l’identité italienne, ou au contraire par l’adaptation (possible ou non) à un contexte français, qu’il s’agisse du public ou des acteurs ?
L’opéra italien romantique semble s’obstiner à tirer sa source du théâtre français, au point même d’exploiter des auteurs dramatiques allemands par le filtre d’une dramaturgie à la française. Cette propension à puiser dans la littérature française est évidemment une affaire qui dépasse le champ de l’opéra, elle se mêle à la question d’une construction identitaire dans un mouvement romantique européen dans lequel l’Italie cherche à s’inscrire.
Mais cette inscription dans la mouvance romantique mérite d’être aussi étudiée sous l’angle d’une stratégie pour maintenir une position de tête de quadrige dans le milieu de la création d'opéras. Là encore, l’histoire retient par exemple les rejets de Victor Hugo à l’égard des adaptations en opéra tirées de ces drames, en concluant trop lestement que l’accusation de plagiat impliquait forcément une détérioration de l’œuvre dans son adaptation. Étudier stylistiquement et du point de vue de leur dramaturgie les drames de Victor Hugo adaptés non comme un respect de l’original, mais une continuité reconfigurée complètera les travaux pourtant déjà nombreux sur la question.
Pour le volet contemporain, où il est moins question d’identité italienne ou de recherche identitaire à proprement parler, il s’agira surtout de comprendre quels sont les éléments qui font que certains textes semblent particulièrement adaptés à l’exportation sur les scènes françaises. On pourra ainsi avancer des hypothèses sur les éléments caractéristiques, les enjeux idéologiques, la nature stylistique et de contenu, mais aussi en ce qui concerne la conjoncture économique. Autant de facteurs qui pourraient justifier le choix des artistes et des textes italiens sur les scènes françaises.
► Axe 3 Pratiques et enjeux de la traduction entre France et Italie
Titulaires : J-L Nardone, O. Guerrier, A. Capra, J. Nimis, C. Berger.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : F. Coletti, R. Sang, L. Brignon, S. Trousselard (Lyon II), E. Marzi, D. Montoliu, D. Bisconti (Clermont II).
Il convient avant tout ici de rappeler que les travaux que nous voulons engager sur la traduction sont le fruit de l’une des préconisations du dernier rapport de l’AERES (2014) qui, dans la perspective de répondre au projet général de l’équipe, l’Axe III vise à développer trois directions de recherche complémentaires, entre corpus et pratiques.
a/ La première consiste en une analyse approfondie de l’instrument du traducteur par excellence qu’est le dictionnaire. Lors de nos derniers travaux, nous avons constaté que nombre de spécialistes exploitent des traductions de textes sans s’intéresser réellement aux outils de la traduction, un peu comme si le traducteur était omniscient. Or il nous semble au contraire capital d’articuler les pratiques de la traduction avec les outils du traducteur, dont les dictionnaires.
Pour ce projet, qui se concentrera notamment sur deux grands siècles, de la fin du XV siècle avec l’apparition des incunables, jusqu’au début du XVIII siècle, nous nous appuierons sur nos premiers travaux, à savoir deux Journées d’études Label UFI (29-30 novembre 2018 et 29 mars 2019) où nous avons mis en place un réseau international réunissant des collègues d’Italie, d’Espagne, du Portugal et de Pologne et deux spécialistes de l’Université de Grenoble.
L’objectif est ici de travailler avec les pays partenaires sur le contenu et les enjeux pluridisciplinaires des premiers dictionnaires bilingues, trilingues et multilingues des XV et XVIII siècles publiés en Europe que nous avons recensés puis sélectionnés, et de pourvoir à la fois à leur numérisation et à leur mise en ligne (transcription, créations de liens hypertextuels, etc.) via la création d’une plateforme consultable en libre accès.
En outre dans le cadre de notre doctorat tripartite Toulouse-Pérouse-Séville qui s’appuie sur le Master Langues Romanes de l'Université Jean Jaurès, le projet conduira aussi à la signature de thèses en cotutelle entre les différents partenaires.
Ainsi le Doctorat de Langues romanes (http://laboratorio.univ-tlse2.fr/accueil-il-laboratorio/doctorat-etudes-romanes/), pourra permettre des appels à sujets de thèses sur le polyglottisme des dictionnaires.
Nous avons déjà déposé (sans succès) en 2017 un dossier MRSEI pour un projet semblable. Forts du retour d’expertise et des journées d’études commencées en 2018, nous présenterons à nouveau un dossier pour une Action COST (juin 2019) dans la perspective d’un financement européen.
b/ La seconde est une mise en pratique de la traduction. Cette partie de nos travaux pourra s’articuler entre recherche théorique et interventions scientifiques d’une part et, d’autre part, de véritables ateliers de traduction autour de projets précis en nous appuyant sur les compétences déjà anciennes des membres italianistes de l’équipe qui, tous, ont à leur actif de nombreuses traductions, du XIV siècle à des inédits contemporains en Italie.
Nous donnons ici à titre indicatif deux exemples des chantiers en cours et/ou envisagés. D’une part, un projet de grande ampleur pourra être la traduction collective d’un texte canonique de la littérature italienne (par exemple la Commedia de Dante Alighieri ou la Nuova Cronica des frères Villani). Il s’agirait alors de réunir les expériences des membres à titre principal (J-L. Nardone, C. Berger ; J. Nimis) et celles des associés (S. Trousselard, F. Coletti, D. Montoliu). En effet la chronique des frères Villani est, dans le discours sur la langue tel qu’il s’établit au XVI siècle, une alternative possible au choix du Décaméron comme modèle linguistique (cf. les commentaires par exemple de Salviati tant sur le Décaméron que sur la Chronique). L’édition de référence sera celle en trois volumes parue chez Ugo Guanda editore en 1991.
Symétriquement, l’équipe envisage de confier à des collègues italophones, titulaires ou associés (A. Villa, C. Cavallini de l’Université de Bari, dans le cadre de notre collaboration avec l’IHRIM de Clermont II, D. Bisconti et S. Porzi) la traduction en italien d’un grand texte canonique français de la Renaissance (nous partirons de l'étude de V. Grohovaz, «La traduzione dal francese all'italiano nel secolo XVI. Avvio di una catalogazione delle opere a stampa», in U. Rozzo (ed.), La lettera e il torchio, Udine, Forum, 2007, p. 9-70).
D’autre part, chaque année, A. Capra publie dans sa collection Nouvelles scènes-italien des Presses Universitaires du Midi, la traduction inédite d’une pièce contemporaine jouée par la troupe des Chiassosi. Par ailleurs C. Berger, qui était partie prenante dans le projet IDT (Les Idées Du Théâtre, Paris Sorbonne) a édité des préfaces à des textes théâtraux du XVII siècle et traduit dans le cadre de ce projet préfaces et prologues. Très impliquées dans les dispositifs de traduction collective, elles pourront donc proposer des séminaires sur les questions que pose la traduction faite pour la scène, qui pourront conduire à des publications ou sujets de recherche (Master et thèse).
c/ Ce dernier volet de l’axe III, en synergie avec l’axe I, est davantage conçu comme une articulation explicite entre recherche et enseignement puisqu’il s’agira notamment, au fil du quinquennal, d’accompagner nos étudiants de Master ou de doctorat dans une réflexion sur la constitution de leur corpus de recherche entre France et Italie. Pour le dire autrement, et parce que nous ne visons aucunement une recherche de type «comparatiste», l’étude des corpus des textes italiens traduits en français nous paraît mériter une réflexion plus approfondie qu’elle ne l’est aujourd’hui. Lorsqu’un étudiant choisit de travailler sur la réception d’un auteur italien en France à la Renaissance, sur quels textes sa recherche prend-elle appui ? Comment s’approprie-t-il les traductions renaissantes de cet auteur et comment justifie-t-il la présence dans son corpus de francisant d’un texte italien traduit ? Se contente-t-il d’une traduction du XXI siècle ?
Cette réflexion, qui vaut pour tous les textes (y compris les textes des Italiens en latin) et pour toutes les périodes, nous paraît mériter une enquête épistémologique qui ne va pas de soi. Deux thèses en cours au sein de notre équipe, celles de Coralie Cicovic et de Sixtine Desmoulins, sont clairement confrontées à l’examen de ces corpus et de ces problèmes. Entre études spécifiques de corpus et réflexions méthodologiques, nous envisageons ici une suite de séminaires qui pourraient donner lieu à un colloque international sur «Les corpus en français des textes italiens».
► Perspective inter-axes : étude d’un corpus de mots.
Parmi les pistes d’un travail inter axes que nous pourrions conduire, il nous semble que l’émergence des mots «nouveaux» pourra s’avérer être un thème de toute première importance. Il s’agira, dans une perspective largement diachronique, de choisir un corpus de mots qui, de l’italien entre dans la langue française, ou vice-versa, ou même de mots qui «apparaissent» face aux nécessités lexicales de nouveaux domaines (scientifique, militaire, artistique, technique, etc.). L’idée sera de scruter l’apparition de ces mots, de voir leur évolution notamment dans les dictionnaires, et de composer un volume.
► Axe I : Échanges linguistiques
Titulaires : O. Guerrier, Y. Lepestipon, F. Nepote, D. Fratani, A. Villa, J-L Nardone.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : F. Libral, S. Biedma, C. Sebastien, B. Basset, C. Cicovic, S. Desmoulins, D. Foucault, A. Lionetto (Paris IV), V. Giacomotto (Bordeaux Montaigne), L. Gerbier (CESR Tours), T. Paparella, M. Boulet, V. Cimmieri, D. Montoliu, S. Salviati, F. Coletti, F. Iovine.
Durant le précédent quinquennal, dans l’Axe II «France/Italie Renaissance-Âge classique», l’accent a été mis sur des contenus culturels ou disciplinaires («civilité», «savoirs»), pour en étudier les inscriptions dans les textes en fonction de la circulation de ces derniers.
De 2020 à 2024, dans l’Axe I « France/Italie : XV-XVII siècles » désormais, à partir du chapeau d’ensemble «Échanges linguistiques», on prendra appui sur des modalités plus formelles, pour examiner les enjeux associés à celles-ci lors du passage d’un pays à un autre.
On commencera par prendre les langues comme objets, via la réflexion présente dans les textes, ou dans des pratiques révélant l’empreinte de celle-ci. Sous le titre «Les rencontres des langues» (référence aux Rencontres des Muses de Jean Balsamo (1998), lui-même ayant repris le titre de son étude à celui du recueil de Philippe Desportes de 1604, qui propose des sonnets italiens de divers auteurs, préalablement traduits en français par le poète lui-même), on sera attentif aux effets de proximité (comme par exemple dans La Concorde des deux langages de Jean Lemaire de Belges, 1511) ou de distance (comme dans la Precellence du language françois d’H. Estienne, 1579) qui s’établissent entre le français et l’italien, lorsqu’ils sont tous deux en jeu au sein d’un même ouvrage ou d’un même corpus.
On pourra alors envisager, en les modulant selon les périodes :
– des questions lexicales à strictement parler : enjeux des emprunts à divers domaines de savoir, par une langue à une autre (par exemple, le vocabulaire militaire ou équestre, de l’italien au français ; celui de la cuisine ou de la mode, dans l’autre sens) ;
– des questions «ontologiques» ou philosophiques : les langues vernaculaires perçues comme langues de l’«expérience» et de la science (pour la philosophie naturelle ou plus généralement l’innovation scientifique) ;
– des questions historiques et sociologiques : l’italien langue du «pouvoir» ; le débat sur le français, lingua Celta, plus proche de la nature, etc. ;
– des questions de poétique et de stylistique : le «vulgaire illustre» de Rabelais et l’influence de Dante – dont diverses manifestations célèbreront les 700 ans de la mort en 2021 – du De Vulgari Eloquentia ; la réception du concettisme et le style italien «fleuri»…).
Si bien entendu on appréciera qu’on privilégie les textes «littéraires», on n’exclura ni les paratextes ni les traductions à proprement parler, comme outils ou vecteurs possibles d’une analyse des usages et des représentations contrastés des deux idiomes, ce en corrélation avec les travaux de l’axe III.
Par ailleurs, l’Axe I sera partenaire du projet «Encyclopédie Numérique de la danse à la Renaissance en Europe (XV-XVI Siècles», déposé auprès du Labex OBVIL de Sorbonne Université, et porté par Adeline Lionetto (Sorbonne Université) et Concetta Cavallini (Università Aldo Moro di Bari). Une Journée d’étude est prévue dans ce cadre à Toulouse à l’horizon 2021-2022.
Enfin, les travaux de l’Axe I feront une place à Bibliotheca tholosana (http:///www.bibliotheca-tholosana.fr). Fondé en 2005, Bibliotheca tholosana est un site d’édition en ligne de textes en latin, français et occitan, composés par des Toulousains entre le XVI et le XVIII siècles, ainsi que d’un Dictionnaire des réseaux culturels toulousains XVI-XVIII siècles), doté d’une direction scientifique et d’un comité de lecture.
À partir de 2020-2021, le site s’ouvrira aux textes italiens ou d’Italiens, en relation avec la région toulousaine sur la première modernité, que ce soit dans le cadre de l’édition de textes ou dans la constitution du dictionnaire.
► Axe II : La scène italienne sur les planches françaises
Mobilité et pratique d’une italianità
Titulaires : M. Lehmann, A. Capra, C. Berger, J. Nimis.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : A. Federici, Y. Mahe, F. C. Guglielmino, S. Resche, V. Corrent, M. Tachon, M.-P. Dasque, Ch. Magron.
L’empan historique (XVII siècle-XXI siècle) permet une mise en perspective d’une circulation culturelle et artistique entre deux nations, de l’Italie vers la France. Il s’agit de dessiner les variations au fil du temps de la dynamique de la mobilité des corpus, plus particulièrement dans le champ des arts de la scène (théâtre, opéra, etc.), sur un panorama historique d’envergure. Il s’agit aussi de repérer des constantes, des points communs, la question des clichés identitaires (l’italianità) n’étant pas loin. Les causes et les intentions qui suscitent la mobilité d’un corpus tiennent-elles à des qualités particulières, des compatibilités prérequises, des innovations surprenantes ou la singularité du génie italien ?
L’équipe de chercheurs titulaires réunie autour de ce programme est complémentaire (études théâtrales XVII et XVIII siècles, musicologie XIX siècle, arts de la scène XX et XXI siècles). Elle devrait pouvoir répondre à des objets d’études qui, même si de natures diverses, sont tous liés aux expressions artistiques de l’univers de la scène italienne. Le foisonnement interne de ce monde de la scène globalement cohérent sera pris en diachronie et permettra à chaque chercheur de renouveler son point d’ancrage scientifique personnel : chaque point focal pourra être ainsi relié à son amont et son aval historiques.
La mobilité des corpus, de l’Italie vers la France, comprendra :
– des textes dramatiques et des paratextes (éditions, partitions, manuscrits et copies, livrets, traductions, adaptations, répertoire) ;
– des auteurs, des compositeurs ;
– des metteurs en scène, des décorateurs, des comédiens, des interprètes et des troupes ;
La durée du contrat permettra une progression méthodologique en trois étapes.
Mobilité des corpus
Faire un état des lieux des mobilités des corpus, en favorisant l’étude des mobilités abouties. Par exemple, on observera la présence des corpus d’origine italienne sur le territoire francophone. Il s’agit de mesurer leur accueil et la force de leur présence, certains corpus pouvant avoir eu moins d’impact que d’autres sur le sol français. Cette mobilité peut-elle être décrite par des notions comme interaction, provocation, invasion ou attente satisfaite, idéal réalisé, etc. ? Sur la période XVII et XVIII qui concerne l’apogée du théâtre des comédiens professionnels italiens, cette mobilité peut se manifester en amont par la circulation transalpine quasi immédiate de textes emblématiques de la commedia dell’arte, tels que Les bravacheries du Capitaine Spavente (trad. J. De Fonteny, 1608) issues des Bravure del Capitan Spavento (Flaminio Scala, 1607) ; et d’autre part en aval et sous forme d’interaction, par l’exode parisien du dramaturge Carlo Goldoni (1762-1793) qui écrit en français, pour les comédiens italiens... des textes qui repartent ensuite à Venise dans leur version italienne. Pour le XIX siècle et l’opéra italien, avec à Paris l’aventure mouvementée du Théâtre des Italiens amplement documentée par les travaux récents d’Alessandro di Profio (2003) et Jean Mongrédien (2008), il sera plus opportun de dresser un état qualitatif de la présence italienne à Paris. Le corpus sera moins appréhendé en termes d’éléments de corpus que force d’impact sur la réception parisienne (par exemple, un opéra italien est-il mieux considéré à l’Académie impériale, au Théâtre Lyrique ou au Théâtre des Italiens ?). Le critère de l’œuvre italienne créée sur le sol italien, puis exportée en France en l’état ou après révision, confronté à celui de l’œuvre originale, issue d’une commande d’un théâtre parisien à un compositeur italien pourrait conduire à une analyse plus qualitative du corpus par le biais de l’esthétique musicale et de la dramaturgie. Pour la période contemporaine, il s’agira de mener un travail sur le terrain – dans les théâtres, les instituts culturels, les maisons d’éditions – afin de faire un état des lieux de la mobilité du théâtre italien d’aujourd’hui ; des initiatives telles que le programme Face à face, ou les comités de lecture et de traduction des pièces contemporaines, tels que l’institutionnelle Maison Antoine Vitez (MAV) et le plus récent Eurodram, ou encore des projets de recherche sur la présence dramatique italienne dans l’espace francophone seront des points de départ précieux pour tenter de comprendre quels sont les raisons et les enjeux de l’accueil et du succès d'autrices et auteurs ou de certains textes, par rapport à d’autres qui n’auraient pas les éléments requis pour passer les frontières.
Pratique des corpus
L’ambition innovante de ce programme de recherche est d’aborder cette question sous l’angle de l’application pratique de la mobilité, profitant par là des compétences scientifiques des chercheurs membres de l’équipe. En effet, cette approche est de type pragmatique. Entre l’intention des artistes, la volonté des commanditaires (impresarii, directeurs, mécènes, dédicataires, etc.) et la réalisation de l’œuvre scénique, existe de toute évidence un panel de réussites, de compromis et de repentirs. La mobilité étant ainsi un transfert d’un territoire vers un autre, le corpus pourrait au cours de cette opération subir une transformation, qui dépasse la seule traduction linguistique. Ces transformations modifient-elles en profondeur la nature des corpus incriminés ? Quels en sont les vecteurs : interprétation, utilisation, exploitation (aussi bien artistiques, idéologiques que politiques) ? Le théâtre professionnel italien des XVII et XVIII siècles produit, à cet égard, un corpus de textes qui portent les stigmates d’une mobilité inhérente au genre.
Ainsi, en ce qui concerne la production de l’itinérance, les Compositions de rhétoriques (1601) de l’Arlecchino Tristano Martinelli sont conditionnées à la fois par la nature de leurs insignes dédicataires (volume unique dédié à Marie de Médicis et Henri IV), son lieu et contexte d’édition (Lyon), une intention publicitaire et une langue ni italienne ni français. Un étrange volume «frontière», en somme : ni totalement italien, ni totalement français.
Sur le même mode de cet entre-deux, la question déjà largement étudiée des opéras français de Donizetti et de Verdi pourrait profiter d’un nouvel angle d’exploration. Le ressentiment de Verdi à l’égard des méthodes françaises (la «grande boutique» de l’Académie Impériale) a été amplement monté en épingle par la recherche, au point de perdre de vue qu’il pouvait y avoir bien plus qu’une recherche de notoriété de la part de Verdi en acceptant de telles commandes. Repenser les opéras commandés par Paris à Rossini, Donizetti et Verdi comme des opportunités de nouvelles expérimentations pour des artistes italiens à travers des collaborations, avec des savoir-faire français, pourrait bien renverser la perspective plutôt négative laissée tout particulièrement par Verdi.
La pratique du théâtre contemporain italien en France passe par deux modalités différentes : par la représentation en langue originale, confiée le plus souvent à la compagnie de l’auteur ou à des artistes italiens accueillis en résidence et en tournée, ou bien par l’intermédiaire de la traduction des textes – qui seront ainsi proposés à des artistes francophones désireux de se confronter avec un théâtre transfrontalier… Il sera intéressant d’étudier quelles sont les influences de ces deux canaux de transmission sur la modifications des textes et le jeu de la scène. Autrement dit, quelles sont les adaptations (autres que linguistiques) auxquelles on serait tenté de soumettre l’œuvre d’origine pour une meilleure réception sur le sol francophone ? Le théâtre contemporain qui est très fortement liés aux événements politiques et sociaux de la Péninsule trouvera-t-il une écoute juste, une fois présenté à l’étranger ou encore traduit dans un autre contexte social ?
Potentialité de mobilité des corpus
Peut-on parler d’une potentialité de cette mobilité de corpus ? Sont-ils organisés, constitués, sélectionnés ou créés en fonction de certaines qualités qui garantiraient leur mobilité ? Quel horizon d’attente est en jeu ? Est-il celui d’une culture italienne qui s’estime exploitable en France ou est-il entièrement ou partiellement repensé par les auteurs et les artistes comme s’il s’agissait de répondre à l’horizon d’attente de « l’Autre » ?
Après avoir consacré un temps d’étude nécessaire aux deux premiers points de ce projet décrits ci-dessus, un travail de définition, de description et d’analyse des horizons d’attente viendra clore un programme de recherche quinquennal. Issus d’une population très précocement mobile vers la France (de 1570 à 1793) le corpus des textes du théâtre professionnel italien, à son apogée aux XVII et XVIII siècles, apparaît comme un patrimoine culturel qui est par essence en migration perpétuelle.
Pour autant, de la circulation des corpus éphémères dell’arte – non soumis à l’édition – entre XVI et XVII siècles, en passant par l’édition de corpus italiens sur le sol français par des comédiens professionnels non dramaturges (XVII), jusqu’à la production goldonienne parisienne dès 1762, le potentiel de mobilité de ces corpus vers la France est plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Est-il accru par le souci de notoriété, de légitimité, par la revendication de l’identité italienne, ou au contraire par l’adaptation (possible ou non) à un contexte français, qu’il s’agisse du public ou des acteurs ?
L’opéra italien romantique semble s’obstiner à tirer sa source du théâtre français, au point même d’exploiter des auteurs dramatiques allemands par le filtre d’une dramaturgie à la française. Cette propension à puiser dans la littérature française est évidemment une affaire qui dépasse le champ de l’opéra, elle se mêle à la question d’une construction identitaire dans un mouvement romantique européen dans lequel l’Italie cherche à s’inscrire.
Mais cette inscription dans la mouvance romantique mérite d’être aussi étudiée sous l’angle d’une stratégie pour maintenir une position de tête de quadrige dans le milieu de la création d'opéras. Là encore, l’histoire retient par exemple les rejets de Victor Hugo à l’égard des adaptations en opéra tirées de ces drames, en concluant trop lestement que l’accusation de plagiat impliquait forcément une détérioration de l’œuvre dans son adaptation. Étudier stylistiquement et du point de vue de leur dramaturgie les drames de Victor Hugo adaptés non comme un respect de l’original, mais une continuité reconfigurée complètera les travaux pourtant déjà nombreux sur la question.
Pour le volet contemporain, où il est moins question d’identité italienne ou de recherche identitaire à proprement parler, il s’agira surtout de comprendre quels sont les éléments qui font que certains textes semblent particulièrement adaptés à l’exportation sur les scènes françaises. On pourra ainsi avancer des hypothèses sur les éléments caractéristiques, les enjeux idéologiques, la nature stylistique et de contenu, mais aussi en ce qui concerne la conjoncture économique. Autant de facteurs qui pourraient justifier le choix des artistes et des textes italiens sur les scènes françaises.
► Axe 3 Pratiques et enjeux de la traduction entre France et Italie
Titulaires : J-L Nardone, O. Guerrier, A. Capra, J. Nimis, C. Berger.
Doctorants, docteurs et enseignants-chercheurs associés : F. Coletti, R. Sang, L. Brignon, S. Trousselard (Lyon II), E. Marzi, D. Montoliu, D. Bisconti (Clermont II).
Il convient avant tout ici de rappeler que les travaux que nous voulons engager sur la traduction sont le fruit de l’une des préconisations du dernier rapport de l’AERES (2014) qui, dans la perspective de répondre au projet général de l’équipe, l’Axe III vise à développer trois directions de recherche complémentaires, entre corpus et pratiques.
a/ La première consiste en une analyse approfondie de l’instrument du traducteur par excellence qu’est le dictionnaire. Lors de nos derniers travaux, nous avons constaté que nombre de spécialistes exploitent des traductions de textes sans s’intéresser réellement aux outils de la traduction, un peu comme si le traducteur était omniscient. Or il nous semble au contraire capital d’articuler les pratiques de la traduction avec les outils du traducteur, dont les dictionnaires.
Pour ce projet, qui se concentrera notamment sur deux grands siècles, de la fin du XV siècle avec l’apparition des incunables, jusqu’au début du XVIII siècle, nous nous appuierons sur nos premiers travaux, à savoir deux Journées d’études Label UFI (29-30 novembre 2018 et 29 mars 2019) où nous avons mis en place un réseau international réunissant des collègues d’Italie, d’Espagne, du Portugal et de Pologne et deux spécialistes de l’Université de Grenoble.
L’objectif est ici de travailler avec les pays partenaires sur le contenu et les enjeux pluridisciplinaires des premiers dictionnaires bilingues, trilingues et multilingues des XV et XVIII siècles publiés en Europe que nous avons recensés puis sélectionnés, et de pourvoir à la fois à leur numérisation et à leur mise en ligne (transcription, créations de liens hypertextuels, etc.) via la création d’une plateforme consultable en libre accès.
En outre dans le cadre de notre doctorat tripartite Toulouse-Pérouse-Séville qui s’appuie sur le Master Langues Romanes de l'Université Jean Jaurès, le projet conduira aussi à la signature de thèses en cotutelle entre les différents partenaires.
Ainsi le Doctorat de Langues romanes (http://laboratorio.univ-tlse2.fr/accueil-il-laboratorio/doctorat-etudes-romanes/), pourra permettre des appels à sujets de thèses sur le polyglottisme des dictionnaires.
Nous avons déjà déposé (sans succès) en 2017 un dossier MRSEI pour un projet semblable. Forts du retour d’expertise et des journées d’études commencées en 2018, nous présenterons à nouveau un dossier pour une Action COST (juin 2019) dans la perspective d’un financement européen.
b/ La seconde est une mise en pratique de la traduction. Cette partie de nos travaux pourra s’articuler entre recherche théorique et interventions scientifiques d’une part et, d’autre part, de véritables ateliers de traduction autour de projets précis en nous appuyant sur les compétences déjà anciennes des membres italianistes de l’équipe qui, tous, ont à leur actif de nombreuses traductions, du XIV siècle à des inédits contemporains en Italie.
Nous donnons ici à titre indicatif deux exemples des chantiers en cours et/ou envisagés. D’une part, un projet de grande ampleur pourra être la traduction collective d’un texte canonique de la littérature italienne (par exemple la Commedia de Dante Alighieri ou la Nuova Cronica des frères Villani). Il s’agirait alors de réunir les expériences des membres à titre principal (J-L. Nardone, C. Berger ; J. Nimis) et celles des associés (S. Trousselard, F. Coletti, D. Montoliu). En effet la chronique des frères Villani est, dans le discours sur la langue tel qu’il s’établit au XVI siècle, une alternative possible au choix du Décaméron comme modèle linguistique (cf. les commentaires par exemple de Salviati tant sur le Décaméron que sur la Chronique). L’édition de référence sera celle en trois volumes parue chez Ugo Guanda editore en 1991.
Symétriquement, l’équipe envisage de confier à des collègues italophones, titulaires ou associés (A. Villa, C. Cavallini de l’Université de Bari, dans le cadre de notre collaboration avec l’IHRIM de Clermont II, D. Bisconti et S. Porzi) la traduction en italien d’un grand texte canonique français de la Renaissance (nous partirons de l'étude de V. Grohovaz, «La traduzione dal francese all'italiano nel secolo XVI. Avvio di una catalogazione delle opere a stampa», in U. Rozzo (ed.), La lettera e il torchio, Udine, Forum, 2007, p. 9-70).
D’autre part, chaque année, A. Capra publie dans sa collection Nouvelles scènes-italien des Presses Universitaires du Midi, la traduction inédite d’une pièce contemporaine jouée par la troupe des Chiassosi. Par ailleurs C. Berger, qui était partie prenante dans le projet IDT (Les Idées Du Théâtre, Paris Sorbonne) a édité des préfaces à des textes théâtraux du XVII siècle et traduit dans le cadre de ce projet préfaces et prologues. Très impliquées dans les dispositifs de traduction collective, elles pourront donc proposer des séminaires sur les questions que pose la traduction faite pour la scène, qui pourront conduire à des publications ou sujets de recherche (Master et thèse).
c/ Ce dernier volet de l’axe III, en synergie avec l’axe I, est davantage conçu comme une articulation explicite entre recherche et enseignement puisqu’il s’agira notamment, au fil du quinquennal, d’accompagner nos étudiants de Master ou de doctorat dans une réflexion sur la constitution de leur corpus de recherche entre France et Italie. Pour le dire autrement, et parce que nous ne visons aucunement une recherche de type «comparatiste», l’étude des corpus des textes italiens traduits en français nous paraît mériter une réflexion plus approfondie qu’elle ne l’est aujourd’hui. Lorsqu’un étudiant choisit de travailler sur la réception d’un auteur italien en France à la Renaissance, sur quels textes sa recherche prend-elle appui ? Comment s’approprie-t-il les traductions renaissantes de cet auteur et comment justifie-t-il la présence dans son corpus de francisant d’un texte italien traduit ? Se contente-t-il d’une traduction du XXI siècle ?
Cette réflexion, qui vaut pour tous les textes (y compris les textes des Italiens en latin) et pour toutes les périodes, nous paraît mériter une enquête épistémologique qui ne va pas de soi. Deux thèses en cours au sein de notre équipe, celles de Coralie Cicovic et de Sixtine Desmoulins, sont clairement confrontées à l’examen de ces corpus et de ces problèmes. Entre études spécifiques de corpus et réflexions méthodologiques, nous envisageons ici une suite de séminaires qui pourraient donner lieu à un colloque international sur «Les corpus en français des textes italiens».
► Perspective inter-axes : étude d’un corpus de mots.
Parmi les pistes d’un travail inter axes que nous pourrions conduire, il nous semble que l’émergence des mots «nouveaux» pourra s’avérer être un thème de toute première importance. Il s’agira, dans une perspective largement diachronique, de choisir un corpus de mots qui, de l’italien entre dans la langue française, ou vice-versa, ou même de mots qui «apparaissent» face aux nécessités lexicales de nouveaux domaines (scientifique, militaire, artistique, technique, etc.). L’idée sera de scruter l’apparition de ces mots, de voir leur évolution notamment dans les dictionnaires, et de composer un volume.